Mireille.M

Photos. Peintures. Ecrits.

N’OUBLIE PAS D’OUBLIER


LUI :

Lui était un écrivain, enfin, un écrivain raté.

Il connaissait la couleur de ses histoires, mais ne savait pas y mettre les bons mots.

Pour un écrivain, c’est idiot…

Ses personnages s’emmêlaient  toujours et ses histoires ne finissaient jamais…

Ce soir-là, il avait décidé de tout laisser tomber :

Ses personnages puisque toujours les mêmes ;

Ses mots puisque inaccessibles.

Il n’irait plus les chercher.

C’était fini. Mais il allait bien.

Il était déterminé, et puisque rien ne changeait, il changerait lui.

C’était une rupture, une fin.

Enfin.

Il posa donc sa plume ; elle s’envola.

Il prit son chapeau et sortit.

La rue était la rue la nuit, mystérieuse comme il se doit, noire et  jaune ; une pénombre déchirée de-ci de-là par de furtifs lambeaux de lumière.

Il mit son chapeau et avança.

C’était incroyable mais il avançait ! lui qui avait tant piétiné…

Et puis il y crut.

La sève de l’homme libre parcourut ses veines..

Il repartit alors dans son imaginaire … ce fut le piège …

A nouveau pris dans sa bulle, la tête bien au-dessus des réverbères, il traversa la rue sans savoir qu’il traversait une rue.

A ce moment-là, il se sentit heureux.

 

ELLE :

Elle, d’habitude à cette heure-ci, elle peignait.

Du moins, elle essayait de reproduire sur une toile de lin ce portrait dont elle rêvait depuis tant d’années.

Il la hantait chaque jour lorsque la nuit s’imposait…

Dans ce paradoxe crépusculaire, un visage, apparaissait.

Toujours le même mais cependant insaisissable…

Jamais elle n’arrivait à le peindre.

Peindre son rêve, la belle idée !

Un rêve est un rêve, peint il devient une image.

C’était absurde.

Il appartenait à son imaginaire.

La réalité était alors impossible.

Ah ! … en parler, le décrire, elle savait faire !

Mettre des mots c’était facile, mais poser des couleurs, elle ne savait pas….

Pour un peintre, c’est délicat…

Alors, captivée par ce fantôme, elle n’évoluait pas,

Ses tableaux,  les rares fois où elle arrivait à les finir, restaient trop noirs…

Quelques visages apparaissaient de temps en temps.

Et elle pouvait y voir un peu de son rêve : à chaque fois des « petits bouts » !

Ici la bouche, là les yeux… un sourire…

Mais jamais d’unité.

Elle était trop divisée.

Ce personnage resterait un idéal…

Elle ne pouvait le peindre !

C’était toujours raté.

Toujours presque ça, mais pas ça !

Et elle répétait toujours les mêmes erreurs.

Et elle tombait toujours à côté…

Parfois même, trompée par ses propres impressions, blessée par ses échecs, elle lavait ses toiles à l’eau de ses larmes…

Ce soir-là, agacée, fatiguée, elle renonça.

Enfin.

Elle sortit. La rue était noire et jaune…

Elle prit sa voiture, déterminée, prête pour une nouvelle aventure.

 

Elle et lui :

Lui sans ses mots. Elle sans ses couleurs…

Lui dans ses maux. Elle dans ses douleurs…

Le choc fut inévitable.

Bref, violent.

L’espace d’un silence remplit leur nuit.

Il venait de rencontrer une mauvaise rime.

Elle ne comprit pas de suite.

Elle descendit de sa voiture.

En fit le tour et se pencha  sur ce qu’elle avait percuté.

Ce n’était pas possible !

Le portrait, son portrait gisait là, avec un corps …

Mais sans vie …

Sans vie encore …

Elle venait de tuer son rêve.

 

Elle sans Lui , toujours… :

S’en suivirent des pleurs, des regrets, des cris vains

Il n’y eu plus de jours pour approcher le crépuscule.

Elle ne connu alors que des nuits … noires.

Et tout s’emmêla dans sa tête.

Ses rêves, ses peintures, ses mots et ses pinceaux.

Elle n’avait plus rien à peindre.

Elle n’avait plus rien à perdre.

Plus d’amour manqué.

Celui-là, elle ne l’avait pas vraiment raté !…

Alors, il fallait que ça s’arrête.

Elle savait très bien ce qu’il fallait faire pour s’endormir sans réveil, sans retour.

Pour rester à l’aube de ses rêves… à la limite du réel… juste aux portes de son enfer.

Elle partit se coucher sur l’asphalte grise du chemin de sa vie.

Elle avait les yeux grand ouverts.

Comme la nuit était belle !

Le ciel était d’un bleu noir si profond.

Mourir ici pour renaître ailleurs.

Un vent doux lui soufflait ces mots : « n’oublie pas d’oublier ».

Les étoiles en relief étincelaient de mille feux, de mille couleurs….

ENFIN.

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